Description
De nos jours, dans notre Occident moderne et progressiste, il est difficile d’imaginer de politique publique qui ne fasse mention des droits des femmes. Selon un retournement particulie`rement cruel, les gouvernements n’en retiennent que l’aspect le plus franchement re´pressif, a` savoir la lutte contre les violences faites aux femmes. Dans ce livre, et apre`s avoir signe´ un pamphlet pour un fe´minisme de´colo- nial, Franc¸oise Verge`s propose de prendre a` bras- le-corps ce pont aux a^nes des violences.Elle propose de retourner la question : qui produit la violence? Quelques hommes violents et de´linquants sexuels, qui sont d’autant plus expose´s a` la vindicte publique qu’ils sont noirs, arabes ou musulmans ? Ou est-ce avant tout l’E´tat, son arme´e, sa police, ses prisons, ses appareils ide´ologiques?Dit comme cela, la re´ponse semble s’imposer, pour autant qu’on s’inscrit dans la politique d’e´man- cipation. Il est beaucoup plus difficile de tirer toutes les conse´quences de ce principe louable : accuser l’E´tat et le syste`me d’abord. On sera vite tente´ de s’arre^ter en chemin par un « je sais bien, mais quand me^me » : comment prote´ger les victimes? Que faire des agresseurs si l’on s’attaque a` la police et aux prisons? L’urgence n’est-elle pas d’abord d’enregistrer les plaintes pour viol, ou d’empe^cher un homme de tuer sa femme en imposant l’e´loigne- ment de l’agresseur ?Et pourtant, Verge`s montre qu’il est pluto^t urgent de dissocier la protection et la violence de l’E´tat. C’est pourquoi il s’agit de commencer par montrer combien la soi-disant protection de l’E´tat est elle- me^me partie prenante de la spirale de la violence qu’il s’agit d’enrayer. Cette folle me´canique, c’est la production de masculinite´s toxiques par la prison; c’est la perse´cution des hommes racise´s et la violence en retour qui s’abat sur les femmes racise´es; c’est la guerre civile pre´ventive dans les quartiers populaires et la guerre civile tout court dans le Sud global; c’est la destruction des familles populaires et racise´es sous les coups de boutoir du ne´olibe´ralisme et du racisme.Dans ce contexte, une politique de la pre´ven- tion est a` penser a` travers le de´mante`lement de ces structures, a` travers une autre ide´e de la justice (pluto^t re´paratrice que punitive), a` travers la recon- naissance des me`res prole´taires et racise´es comme sujet fe´ministe, a` travers une politique de paix civile.